Le télégramme 07 décembre 2023 Gwenn Hamp / Crédit Photos Gwenn Hamp
À Concarneau, la boule de Canton a chamboulé la vie de Michel Sabot
Freiné dans sa vocation, Michel Sabot a dû attendre la retraite pour assouvir sa
passion pour le bois. Quand il a découvert les boules de Canton, des casse-tête chinois très
complexes à réaliser, son quotidien a été chamboulé.
À Concarneau, Michel Sabot, 73 ans, réalise, sur son tour à bois, des boules de Canton
(plusieurs sphères imbriquées les unes dans les autres) qui nécessitent une dextérité hors pair.
« J’aurais aimé pouvoir montrer les boules de Canton, que j’ai fabriquées, au professeur qui
m’avait dénigré à l’école », confie Michel Sabot, dans son atelier de Concarneau. « J’ai
toujours été passionné par le bois. Mais chez moi, on m’a fait vite comprendre que ce n’était
pas la peine d’y penser », se remémore ce natif de Saint-Nazaire, à la vocation contrariée.
Après une carrière dans la pêche, puis comme pilote du bac du Passage, à Concarneau, Michel
Sabot a enfin pu, à la retraite, réaliser son rêve d’enfant.
Dans son salon de sa maison concarnoise, Michel Sabot a exposé les boules de Canton qu’il a
fabriquées. L’œuvre qu’il tient à la main, une boule de Canton nichée à l’intérieur d’une
sphère, a nécessité dix mois de travail.
Un sacré défi
En rejoignant l’association des Passionnés du Bois du Finistère, il se spécialise dans le
tournage sur bois, où la pièce est façonnée sur un tour. Puis, vint la rencontre avec l’objet qui
allait chambouler sa vie. « La première fois que j’ai eu une boule de Canton dans les mains,
j’ai tout de suite su que c’était vers cela que j’allais m’orienter », se rappelle le Beuzecois. Un
sacré défi quand on sait que la réalisation d’une boule de Canton nécessite une dextérité hors
pair.
Les savants calculs qu’il faut faire, avant de tailler la pièce, me tiennent éveillé la nuit.
Les machines ne peuvent pas en fabriquer
Taillé dans une même pièce de bois, ce casse-tête chinois est composé de plusieurs sphères,
imbriquées entre elles, et qui peuvent tourner sur elles-mêmes, indépendamment les unes des
autres. Pour celui qui manipule ce casse-tête, le but est d’aligner toutes les ouvertures. Pour
l’artisan qui le conçoit, le défi est de réaliser une pièce d’une extrême complexité. Dans sa
conception, ni colle, ni découpe. Les sphères sont usinées à l’intérieur du bloc de bois, un
véritable travail d’orfèvre. « Aucune machine industrielle n’est en mesure de fabriquer une
boule de Canton », confirme le spécialiste.
Au fil de son apprentissage, et de centaines de modèles avortés, Michel Sabot perfectionne sa
technique… et ses outils. « Quand j’ai commencé, il y a onze ans, je n’imaginais pas que
j’arriverai à un tel niveau de technicité. Je fabrique mes propres outils en acier. Mais tant que
je n’ai pas fini, cela peut péter à tout moment », avertit-il. Dans ses moments de doute, il peut
compter sur l’indéfectible soutien de son épouse Josiane. « Quand je me dis que je n’y
arriverai pas, que c’est trop dur, elle me dit « Mais si, tu vas réussir ». Les savants calculs
qu’il faut faire, avant de tailler la pièce, me tiennent éveillé la nuit », révèle-t-il.
Avant de réaliser une pièce complexe, ici une boule de Canton imbriquée dans un cube,
Michel Sabot élabore une version d’essai pour calibrer ses futures découpes.
S’il ne cède, ni ne vend ses créations - « impossible de m’en séparer, elles m’ont demandé
tellement d’heures de travail » - Michel Sabot a à cœur de transmettre son savoir-faire aux
plus jeunes. « Je fais partie de l’équipe concarnoise de L’outil en main. Tous les mercredis,
j’enseigne aux enfants les bases du travail du bois. Peut-être que l’un d’entre eux en fera son
métier », envisage le sémillant retraité. À son échelle, le Concarnois ouvre une voie, qu’on lui
a longtemps refusée, mais sans aigreur ni rancœur.
Pour réaliser ses boules de Canton, Michel Sabot fabrique ses propres outils en acier.
Le télégramme 07 décembre 2023 Gwenn Hamp / Crédit Photos Gwenn Hamp